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Dans cet article, nous tenterons de définir les termes clés pour éclairer le lecteur. Nous essaierons de lever la confusion qui pourrait s'établir entre le rite, le rituel et la pratique sociale. Ce travail de contextualisation du rite nous permet d'avancer que ce dernier est associé à des connotations négatives. En effet, nous parlons de rituels qui s'attachent à des pratiques cérémonielles religieuses que la société a désinvesties de leur sens. C’est ainsi que l’on passe du rite au rituel où les pratiques religieuses sont supplantées par pratiques sociales et les traditions. Les mots clés: Rite- mutation- rituel- pratiques sociales- perversion Pour comprendre les rites dans la littérature maghrébine et analyser leur insertion dans la création romanesque, il est important de les replacer dans leur contexte, de comprendre le rôle qu'ils jouent dans la société maghrébine et les fonctions qui leur sont attribuées. Mettre en valeur la représentation du rite dans le texte romanesque afin de mieux en dégager les liens qui se tissent entre la société et les pratiques auxquelles elles s'adonnent, doit également nous conduire à une meilleure compréhension du phénomène de la ritualité. Il est donc nécessaire de s'attarder quelque peu sur les significations des termes "rite", "rituel" et pratiques sociales. Selon le petit Robert un rite ou rituel est d'abord un ensemble de cérémonies du culte en usage dans une communauté religieuse, c'est une cérémonie réglée ou un geste particulier prescrit par la liturgie d'une religion, invariable et doublée d'une manière de faire habituelle. i D'autre part, l'Encyclopédia universalis, sous la plume de Jean Cazeneuve, définit le rite comme un mot ayant differents sens, selon les contextes dans lesquels il est utilisé. Il peut être pensé comme un comportement à motivation émotionnelle. Auquel cas le rite est présent chez les animaux (rites nuptiaux...). Il peut aussi être associé à des comportements stéréotypés non associés à la nécessité ou à la rationalité. Un cérémonial périmé est ainsi considéré comme un rite, mais aussi, un comportement relevant de la psychiatrie ou de la psychopathologie. ii Alors que Claude Rivière élabore la définition suivante à partir de celle de Jean Cazeneuve et pense que: Les rites sont toujours à considérer comme un ensemble de conduites individuelles ou collectives, relativement codifiées, ayant un support corporel (verbal, gestuel, postural), à caractère plus ou moins répétitif, à forte charge symbolique pour les acteurs et habituellement pour leurs témoins, fondé sur une adhésion mentale, éventuellement non conscientisée, à des valeurs relatives à des choix sociaux jugés importants, et dont l’efficacité attendue ne relève pas d’une logique purement empirique qui s’épuiserait dans l’instrumentalité technique du lien cause-effet. iii Dans un sens plus large, le rite est souvent associé au métaphysique, au surnaturel, au magique, au religieux. Michel Maffesoli l'assimile au lien social iv. Selon cette même source, nous sommes tentés de croire que le rite pourrait être pensé comme un comportement collectif, créant du lien social. En d'autres termes, rite ou rituel sont associés à la notion de coutume et de cérémonie ainsi ils touchent le religieux, le cérémoniel, le magique du profane, comme le souligne Van Gannep, par rapport aux rites de passage, à travers les propos suivants: «Pour les groupes, comme pour les individus, vivre est sans cesse se désagréger et se reconstituer, changer d'état et de forme, mourir et renaitre ».v Le rite représente donc un vivier anthropologique sur lequel reposent des pans entiers de la société. Selon Salvatore Abbruze, le rite est «Le véritable lieu du dialogue entre sujet et institution»Vi. Dans le cadre de cette description, nous reconnaissons le rôle du rite esquissé plus haut: le rite est un comportement social conforme à un usage collectif ne possédant pas une finalité utilitaire ou rationnelle. Le monde maghrébin se construit, lui, aussi, sur la «Grammaire symbolique » que constituent les rites, garants d’un lien social, c’est-à-dire du sentiment d’appartenance d’individus à une entité symbolique constituée par des valeurs partagées et activée par des formes d’expériences diverses du « vivre ensemble». Néanmoins, cette appartenance à l'ensemble convoque le sacré avec ses croyances à la fois mythiques, dogmatiques et mystiques que Boudjedra, Ben Jelloun et Meddeb semblent dénoncer. C'est ce que nous tenterons d’analyser tout au long de cette thèse. Ainsi, défini de "culturel", le rite trouve attache à l'homme lui- même, et, est, sans conteste, un champ d'application dans la littérature. Par l’évocation du rite, Rachid Boudjedra, Tahar Ben Jelloun et Abd elwahab Meddeb semblent introduire la culture maghrébine dans le monde de l'écrit, l'adapter à un contexte esthétique, politique, et social et réactualiser les éléments du passé. Ils n’auraient pas pour objectif de réactualiser par nostalgie des rites anachroniques. Ils répondraient surtout aux vœux de Jean Amr ouche: «Nous ne voulons plus errer en exil Dans le présent sans mémoire et sans avenir»vii On peut affirmer d'emblée en écho à cet ensemble d'études anthropologiques que les effets du rite sont communs à toutes les sociétés, à diverses périodes de leur histoire. Ce qui diffère par contre ce sont les perceptions. A cet effet, nous nous sommes fixé comme tâche de voir si les rites répondent à la quête de sens des écrivains maghrébins notamment Rachid Boudjedra, Tahar Ben Jelloun et Abd elwahab Meddeb qui, inscrits dans une civilisation arabo- musulmane, s'imprégnent derechef de l'héritage culturel de ces rites et ce, quelleque soit leur croyance. Que font-ils de ce legs? Peut-il être considéré comme un élément organisant des représentations et des identités culturelles? Ou comme lieu possible dans l'imaginaire littéraire? Tout au long de cette thèse, nous tenterons de répondre à ces questions afin de définir le rapport entre la littérature et le rite.
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