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|d Les migrations ou déplacements en masse des populations d’une région vers une autre sont courantes partout au Cameroun. Dans ce pays situé en Afrique centrale entre le 8e et le 16e degré de Longitude Est et entre le 2e et le 13e degré de Latitude Nord, et qui par ailleurs représente une synthèse écologique de l'Afrique, une typologie des migrations peut être faite non seulement par rapport aux destinations des migrants (intérieur ou extérieur du pays), mais aussi par rapport aux motivations des migrants. \ En tenant compte des motivations, il ressort que les déplacements de masse des populations au Cameroun sont liés pour la plupart aux facteurs économiques, socioculturels et environnementaux. Alors que les facteurs économiques se rapportent aux déplacements volontaires ou involontaires des populations en quête d’un mieux être, les facteurs socioculturels renvoient quant à eux aux habitudes et coutumes des populations dans leurs rapports quotidiens avec leur milieu de vie. Pour ce qui est des facteurs environnementaux, ils se rapportent aux perturbations du milieu naturel dont les manifestations sont la sécheresse, les cataclysmes, les catastrophes naturelles, les éruptions volcaniques, les émanations de gaz mortels, et les glissements de terrains; ils constitueront d’ailleurs l’objet de cette étude qui traitera dans un premier temps des migrations forcées générées par la vulnérabilité environnementale et de leurs impacts, puis dans un second temps des migrations très souvent volontaires ou planifiées dont la conséquence malheureusement est la distorsion de la compatibilité initiale des espèces. \ Depuis une vingtaine d'années en effet, de nombreux sinistres se sont produits dans les espaces urbains, périurbains et ruraux camerounais, entraînant de douloureuses conséquences tant pour les populations, les pouvoirs publics que pour l’écosystème. Les sinistres les plus spectaculaires sont : les émanations gazeuses des lacs Nyos et Monoun, les inondations répétées des grandes agglomérations, les éruptions volcaniques du Mont Cameroun, les glissements de terrain, etc. Les glissements de terrain et les eboulements de rochers sont fréquents dans les régions équatoriales et tropicales humides caractérisées par une importante pluviométrie. De nombreuses régions du Cameroun, à des degrés divers sont exposées à ce type de risque chaque année. Ces phénomènes sont fréquents dans les Grassfields bamiléké ou de Bamenda où ils affectent souvent les voies de transport (route Mbouda-Bamenda. Bamenda-Wum. Nkongsamba-Bafoussam) et de nombreuses habitations, engloutissant par surprise leurs occupants et obligeant les survivants ou les voisins pris de peur, à trouver momentanément ou définitivement asile ailleurs. Dans le même sciage, les lacs Nyos et Monoun se sont rendus tristement célèbres au milieu de la décennie 80 par l’émission brutale d’une quantité importante de gaz carbonique d’origine magmatique qui tua hommes et animaux en quelques secondes aux alentours de l’épicentre de l'émanation gazeuse. Aux environs du lac Nyos (épicentre) et notamment dans la zone de Kimbi, des camps de déplacés (survivants) ont été crées dans un espace situé en altitude, et précédemment acquis aux pâturages. Il s’en est suivi une concurrence entre activités agricoles et pastorales sur un espace réduit, conduisant naturellement à une dégradation rapide des écosystèmes qui deviennent à la fin favorables ni à l’une ni à l’autre des activités. \ Les migrations parfois planifiées, mais engendrant la vulnérabilité environnementale, sont de type agricole; elles sont à la base motivées par la recherche d’un patrimoine foncier fertile et sans maître. Ces migrations se traduisent par l’installation spontanée ou planifiée des populations sur des terres sous-utilisées, désignées en littérature anglo-saxonne par l’expression « Land seulement » ou « Transmigration »,et en littérature latino-américaine par le vocable « Colonization ». Au Cameroun, l’Etat en a été le moteur à une époque, lui qui en avait fait un des volets du développement de l’agriculture du pays, à travers l’installation des exploitations modernes sur des blocs de terres aménagées. \ Cette stratégie a été matérialisée en particulier dans les régions moyennement peuplées de l’Ouest (Bafang-Yabassi) et du Nord (plaine de la Bénoué) où l’accès aux terres productives est limité non par leur disponibilité, mais par les difficultés physiques d’accès, ou par les contraintes imposées par le droit coutumier. On citera par exemple l’opération Yabassi - Bafang qui visait l’installation d*un paysannat réparti dans 60 villages pionniers, sur des parcelles du patrimoine collectif national et dont les conséquences ont été la pression des 17 000 âmes (plus d’une vingtaine de villages) de diverses ethnies que comptait la zone du projet en 1990, sur les terres aménagées et le changement dans un sens négatif des systèmes agraires traditionnels et intégrés des populations engagées dans le projet et notamment celles Bamiléké. On citerait aussi le projet Nord-Est Bénoué dans la région du Nord Cameroun qui couvre une superficie de 164 000km2. Elle compte des zones pratiquement vides, et d’autres considérées comme surpeuplées. Le projet Nord-Est Bénoué avait alors pour mission l’ouverture des terres non occupées de la vallée de la Bénoué, pour les mettre à la disposition des familles paysannes originaires des zones surpeuplées de la Province de l’Extrême Nord. A la faveur de la sécheresse qui a frappé l’Extrême Nord du Cameroun entre 1983 et 1985, les basses terres de la Bénoué seront très sollicitées par les éleveurs et troupeaux en provenance de cette région sinistrée. D’une migration planifiée et contrôlée par l'Etat, on se retrouve dans une migration anarchique dont la conséquence sera l’exploitation incontrôlée des ressources hydrauliques et végétales et la dégradation accentuée du milieu physique sous l'effet conjugué d’une écologie fragile, d’une population en croissance galopante, d'une activité pastorale incontrôlée, et d’une agriculture en intensification. \ Le Gouvernement camerounais a pris conscience de tous ces problèmes environnementaux; il a, à cet effet, élaboré et continue de mettre en œuvre depuis les années 1990, de nombreuses stratégies de prévention et d’atténuation de leurs effets. C’est le cas de la Stratégie et du Plan d’Action National de la Biodiversité (NBSAP) dont l’objectif est l’exploitation rationnelle de la riche faune et flore du pays et la mise en œuvre et en cohérence des activités visant sa pérennisation; et c’est aussi le cas de la création en 2002 de l’Agence Nationale d’Appui au Développement Forestier (ANAFOR) dont la mission est la promotion des activités sylvicoles.
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