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|d Qu’est-ce qu’un libanais ? Qu’est-ce qu’une identité libanaise ? La réponse, difficile soit-elle pour un sociologue contemporain, est facilement obtenue par le lecteur de Tribulations d’un bâtard à Beyrouth, roman de Ramy Zein, qui brosse deux portraits opposés mais complémentaires : un portrait d’individu, celui du personnage principal, Yad, et un portrait socio-historique, celui de la société libanaise. Le roman, retraçant trois périodes différentes de la vie de Yad : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, passe en revue, parallèlement, trois périodes de la vie d’un pays : avant la guerre civile (fin des années soixante, début des années soixante-dix), pendant la guerre (1975 et les années quatre-vingts, quatre-vingt-dix) et après la guerre (la période contemporaine). Le portrait de Yad représente exclusivement un bâtard masqué puis de plus en plus en exhibition. Exposé à toutes les formes de persécution religieuse et confessionnelle, le personnage principal du roman de Zein est d’abord écrasé par le poids lourd de sa différence culturelle. Honteux, il opte pour le choix du déguisement voire de la disparition. Renforcé, ensuite, par la sagesse de l’âge et des expériences discriminatoires horrifiantes, il se décide pour l’affront : argumentation et passage à l’acte. Assumant, enfin, son état et persuadé de l’inutilité des guerres sans horizon, il se bâtit son monde propre. La bâtardise se transforme alors en un vrai miroir de l’être et plus précisément en une identité dont le personnage devient fier. D’une bâtardise innée (anti-confessionnalisme naturelle), l’on passe à une bâtardise adoptive (anti-confessionnalisme volontaire). Mais si Yad réussit à dépasser son sentiment d’infériorité et à devenir autonome, le Liban échoue à le faire. Le portrait de la société laisse voir deux types de statuts sociaux : le premier, dominant, est celui du libanais confessionnel et le deuxième sous-jacent, celui du libanais néo-bâtard. Le néo-bâtard est l’espoir qui demeure : une nouvelle génération libanaise dont le portrait psychologique se dessinerait à partir de l’image du bâtard gagnant. Une identité inventée et non héritée, une identité cosmopolite et non pure, une identité stable et non exposée aux changements des humeurs. Ainsi, le monde du bâtard, instauré lui aussi comme bâtard, à l’image de son créateur, serait peuplé par d’autres néo-bâtards, qui comme Yad, ont raté ou réussi des batailles acharnées avec une société unicolore. L’objectif de cette étude est de mettre en valeur le regard neuf que Ramy Zein porte sur la société libanaise et d’analyser les composantes de l’identité libanaise telle qu’il la conçoit à travers le portrait de Yad, le sauveur du Liban.
|f What is a Lebanese? What is a Lebanese identity? The answer, difficult as it is for a contemporary sociologist, is easily obtained by the reader of "Tribulations d'un bâtard à Beyrouth", a novel by Ramy Zein, which paints two opposing but complementary portraits: a portrait of an individual, that of the main character , Yad, and a socio-historical portrait, that of Lebanese society. The novel, retracing three different periods in Yad's life: childhood, adolescence and adulthood, reviews, in parallel, three periods in the life of a country: before the civil war (late sixties, early seventies), during the war (1975 and the eighties, nineties) and after the war (the contemporary period). Yad's portrait represents exclusively a masked bastard then increasingly in exhibition. Exposed to all forms of religious and confessional persecution, the main character of Zein's novel is initially crushed by the heavy weight of his cultural difference. Ashamed, he opts for the choice of disguise or even disappearance. Strengthened, then, by the wisdom of age and horrifying discriminatory experiences, he decides for the affront: argument and taking action. Finally assuming his condition and convinced of the uselessness of wars without horizon, he builds his own world. The Bastardy then transforms into a true mirror of the being and more precisely into an identity of which the character becomes proud. From an innate bastardy (natural anti-confessionalism), we move to an adoptive bastardy (voluntary anti-confessionalism). But if Yad succeeds in overcoming his feeling of inferiority and becoming autonomous, Lebanon fails to do so. The portrait of society reveals two types of social status: the first, dominant, is that of the confessional Lebanese and the second, underlying, that of the neo-bastard Lebanese. The neo-bastard is the hope that remains: a new Lebanese generation whose psychological portrait would be drawn from the image of the winning bastard. An identity invented and not inherited, a cosmopolitan identity and not pure, an identity stable and not exposed to changes in mood. Thus, the world of the bastard, also established as a bastard, in the image of its creator, would be populated by other neo-bastards, who like Yad, have failed or succeeded in fierce battles with a one-color society. The objective of this study is to highlight the new perspective that Ramy Zein has on Lebanese society and to analyze the components of Lebanese identity as he conceives it through the portrait of Yad, the savior of Lebanon. This abstract was translated by AlMandumah Inc.
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