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La physique de l'impetus a constitué une étape essentielle dans l'histoire de la mécanique. Les études récentes visant à reconstruire cette étape ainsi qu'un examen plus attentif de la Physique du Shifā' permettent de prendre une mesure plus exacte de la place d'Ibn Sīnā dans ce « moment » de l'histoire de la mécanique. La formulation nouvelle qu'Ibn Sīnā donne de la théorie de l'impetus s'inscrivait dans un débat conscient, quoique mené silencieusement, avec la formulation qu'en donnait Philopon (VIe siècle). Les modifications apportées par Ibn Sīnā à cette dernière s'expliquent par son refus de la critique que Philopon adresse à la cosmologie d'Aristote, ainsi que par son rejet de la notion philoponienne d'espace. C'est dans ce contexte qu'il faut situer le remplacement du modèle «dissipatif » de l'impetus philoponien par un modèle «conservatif», qui sera repris au XIVe siècle par Buridan. Les historiens de la mécanique s'accordent à distinguer, dans la période qui va de l'antiquité jusqu'à Galilée, trois étapes : l'étape aristotélicienne, l'étape de la théorie de l'impetus et, enfin, celle de la mécanique classique fondée sur le principe d'inertie. Le terme d’ impetus a été utilisé comme terme technique par les auteurs du XIVe siècle, et notamment par Jean Buridan, le maître ès arts parisien (m. ca 1361). Partant de cet usage, Pierre Duhem a donné à la notion que recouvre ce mot le statut d'une catégorie historiographique, permettant d'identifier différentes variantes de la théorie où cette notion figure. J'emploie ici le mot impetus pour désigner l'un des sens de la notion avicennienne de mayl ou inclination. J'es père que la suite de cette présentation montrera assez qu'il est légitime de subsumer le mayl avicennien, ou du moins l'un de ses aspects, sous cette catégorie de l'impetus ( ) . C'est à travers l'explication de la persistance du mouvement violent que la différence entre la théorie aristotélicien ne et la théorie de l'impetus apparaît le plus clairement. Et c'est sans doute la raison pour laquelle les historiens de la théorie de l'impetus se sont souvent concentrés sur cet aspect de la théorie, négligeant ainsi sa vocation totalisante. Cette vocation est pourtant attestée par le fait que la théorie de l'impetus s'étend aussi bien au mouvement naturel qu'au mouvement des cieux.
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